Mathilde hésite entre plusieurs numéros. Elle choisit le numéro 17, avec option F. L'agence la met téléphoniquement en contact avec l'objet du délit à venir.- Allo, oui, ici numéro 17. Je vous écoute. Dans une heure ? D'accord, j'arrive.- Numéro 17, s'inquiète Estella ? Tu fais partie d'une organisation terroriste maintenant ? Je savais qu'il fallait se méfier de toi. Tu es encore dans un trip avec Trapatoni ?- Le curé de mon manuscrit, interroge Simon ?- Mais non, les rassure Stéphanie. C'est juste un plan cul. J'arrondis mes fins de mois. C'est un réseau de prostitution haut-de-gamme, avec une clientèle sérieuse. Une fois, j'ai dû coucher avec une vieille gouvernante avec un accent bizarre, c'était un peu crade, mais sinon, ça va. D'ailleurs je couche presqu'exclusivement avec des femmes...- Ah, semble regretter Simon ?- Je veux dire pour ce job, dit-elle en le fixant droit dans les yeux. Je trouve ça moins dégueulasse. Bon, on y va. Vous venez avec moi. Vous m'attendez en bas, au bistrot, j'en aurai pour 20 minutes - elle jouit très vite. Et moi aussi d'ailleurs. C'est une femme plus très jeune mais EXTREMEMENT excitante !- Ah ! ponctue Simon, toujours mal remis du Baisodromme.Quelques minutes de métro, rendez-vous fixé pour 19h au Bistrot de la Marguerite. Stéphanie gravit l'escalier sur la pointe des pieds - une vieille habitude. Mathilde ouvre, en body mauve, perchée sur des talons phénoménaux. Sans attendre, elles s'embrassent à pleine bouche.Mathilde hésite longuement avant de rejoindre Stéphanie Renouvin dans la Faille créée par Nina - spectacle délicieux que ces trois femmes en jeu, fonçant pour deux, bouche en avant, bras tendues, ouvrant pour l'autre, une fente immense. Mais Mathilde s'était décidée à aimer Stéphanie, c'est tout, et la suivre jusqu'au bout. Elle avait entendu parler de l'Agghartha par son ex-mari, Calaque, mais elle ne savait si c'était un délire à la René Guénon ou une expérience intime (elle, ça la faisait rigoler, sans se douter que la Rigolade était précisément le trait d'union chez Calaque entre l'ésotérisme et l'autobiographie, pour le coup).Stéphanie ne sait pas s'il s'agit bien de l'aggharta, du ventre de Victor Brauner - elle trouve, comme Mathilde qui y était déjà venu gamine puis, plus tard, à l'occasion d'un "séminaire" en Hôtel 5 étoiles offert par un laboratoire pharmaceutique (qui vendait des éponges spermicides à l'efficacité douteuse quoique parfumées à la fève de Tonka), que ça ressemble beaucoup au Péloponèse.Leur commune et délicate peau de blonde craint d'ailleurs un peu le soleil ; mais elles, en revanche, elles adorent, ayant plaisir à se chauffer comme délicates petites chattes sur lauze ("j'aurais jamais dû lui laisser Grisette", se dit Mathilde, pensant à son divorce pourtant mutuellement consenti). Etait-ce donc l'Agghartha ? En voyant surgir l'Avioque, flanqué d'un des deux Brückner, Stéphanie pense qu'elle est rendue - elle qui croyait ne jamais pouvoir revenir ici, là où elle mourut. Mais quand, à leur suite, survint Isabelle Motto, cette pimbèche qu'elle avait surclassée à l'oral de l'Ecole de Journalisme de Lille, Stéphanie eut un gros doute. Où était-elle ? Etait-ce une Faille ou simplement un vol ultra-rapide (façon Jean-Pierre Petit) entre Paris et la Grêce ? Cela dit, quelle que soit l'option, Estella comme... comment s'appelle-t-il ce beau gosse... ah oui... Simon...je crois que je lui plais...anyway...sont pas près de me retrouver...Cela dit, ce Simon, j'aimerais bien qu'il me retrouve après une longue partie de cache-cache un peu échauffée, fin juin à sa manière...Ce vol ultra-rapide, Jardiland le proposa - sur un autre parcours, évidemment - à Trapatoni, afin de retrouver l'Avioque.- J'ai quand même une question : mon cul va-t-il me gratter encore longtemps ? Et puis ce bout du gland tout dur, tout de même, c'est agaçant.- Peux pas vous dire, Ange-Pascal, répondit le pot interrogé à propos de celui de Trapat ; l'Avioque vous examinera. Il lira dans vos anales et vous fera un compte-rendu.- C'est merdique comme jeu de mots ! Tu n'as pas honte ! Et pour le gland ?- Alors là !- Dis donc, tu sais rien toi.- Ben non. Euh. Bon. Allez, on saute dans la Faille ?- Allez. C'est parti mon kiki ! Si Calaque avait joué un tour à Stéphanie, en lui faisant croire à cette histoire de Level 0, cela n'avait pas pris avec Mathilde, qui le connaissait bien le bougre. La seule chose qui était bizarre c'est qu'elle ne comprenait pas comment il avait fait pour reconstituer un décor de Péloponnèse puis un coucher de soleil frigorifiant façon Vahlal au fond de ce bateau. C'était un grand illusionniste, mais tout de même. Elle pressentait que Calaque/Rigolade ne supportait pas bien cette histoire d'amour naissante entre elle et Stéphanie Renouvin - mais comment avait-il su ? Et où allait ce bateau ? Elle avait aperçu dans une cale deux personnages qui semblaient eux-aussi persuadés d'être rendus au Péloponnèse et qui, parlaient dans le vide, eux aussi à l'Avioque et à Isabelle - l'un avait une tête de pot de jardinage et l'autre ressemblait à un prêtre corse. Continuant un peu son exploration - visiblement tout occupé à Stéphanie, Calaque avait autre chose à faire qu'à gardienner son ex-femme - du navire, elle surprit cette conversation entre deux passagers dans la cabine du capitaine, l'un avait l'accent stéphanois et l'autre aboyait bizarrement tous les trois mots :- Tu crois que c'est encore loin la Grêce, ouah ! s'inquiétait Jenpérar, qui avait chopé des puces en plus.- Sais pas. Je déteste la mer, coupa court Mour.Calaque Rigolade, tout en essayant de lénifier la belle Renouvin, se demandait in petto s'il allait pouvoir embarquer tout ce beau monde dans sa quête pour retrouver le manuscrit de Simon que Sigismond avait laissé choir dans la mer - comment refermer la Faille sinon ? Bien sûr, il restait l'autre voie, bien complexe et périlleuse, qui nécessitait - c'est ce que la lecture minutieuse de la pièce cryptée de Paolelli lui avait permis enfin de comprendre - qu'on possédât les deux cryptogrammes - mauve et rouge - (Adrien Clemenceau en possédait un, transmis par Simon, et il venait de le remettre à l'Avioque à Mycènes - c'est ce que l'Avioque venait de lui confier par portable ; l'autre était dans la tombe d'HZP, et l'Avioque l'avait prise), PLUS les deux dénumérisateurs - jaune et noir - (Brückner (le survivant) possédait le noir), ces quatre éléments assemblés deux par deux permettait de renvoyer les fictifs chez eux et les réels aussi. Mais il y avait un souci : retrouver l'élément manquant et ne pas se faire doubler par les quatre ombilicanaux de Clifden, qui cherchaient à tout prix à maintenir la Faille éternellement - d'où nécessité de contrôler Trapatoni et sa carte anale. Bref : retrouver le bouquin perdu par Bruquenaire était plus simple. D'où ce détour avant de rejoindre l'Avioque dans le Péloponnèse.- Alors Mathilde, on farfouille ? demanda Calaque.Le faux Falsh Invocat Calaque/Rigolade - c'est-à-dire Jean Calaque - allait-il dire à sa femme Mathilde (ni vrai ni faux Invocat) toute la vérité ? Probablement pas - les femmes n'aiment pas la vérité (ni le mensonge d'ailleurs - la vérité et le mensonge ce sont des trucs de mecs). Il lui demande simplement si Stéphanie Renouvin lui plaît vraiment, si elle l'excite ? Elle doit convenir que oui - elle l'aime d'ailleurs tellement qu'elle repère tout de suite que cette nouvelle fille (Moussaillon Red) qui essaie de remplacer Stéphanie (partie en Aghartta) ne lui ressemble pas du tout à ses yeux amoureux. Enfin bon, elle attend de voir ce que Calaque mijote.A vrai dire, il a autre chose à faire que spéculer sur son ex-femme. Le radar du navire vient de repérer les restes du mirage de Sigismond. Dix minutes après, scaphandre enfilé, Calaque fouille dans la vase du fond de la mer - il cherche les os de Sigismond, de Morpheus-Massilia (probablement faciles à repérer, poissoneux), de Salvatore Stupidissime. En vain, Nina Bruquenaire est passée par là, elle a tout récuperer avant l'enterrement de son père - elle n'a pas fait de détails. Mais le manuscrit ? Oh oui...En remontant à bord Calaque se demande pourquoi Nina a laissé le manuscrit. Dans sa cabine, sans rien dire à Jenpérar ou (zy) Mour, il commence à prononcer les passages afin de parvenir à la redissociation. Il observe ces deux pseudo-compagnons : ils ne semblent pas disparaître. Pourquoi est-ce que ça ne marche pas ? Qu'est-ce que c'est que ce binz ? Il recommence, il s'obstine. Jenpérar est toujours là. Il essaie, réessaie. Il prononce Roum Yzuo, Rarépnej, Uaecnemelc Neirdo, Inotapart Lascap-Egna, etc, etc. Rien, rien de rien. Bordel. Calaque est tellement obsédé par la disparition des personnages, et tout particulièrement les Falshs, qu'il ne voit pas que si ceux-ci demeurent, le cadre lui change subtilement. Ils étaient dans un navire, ils se retrouvent dans une grande plaine désolée - où des rires fusent de partout.Calaque comprend alors - mais trop tard - que Nina lui a laissé au fond de l'eau un manuscrit frelaté, qui produit un effet tragi-comique : il envoie tous les personnages contr'invoqués par Calaque en Agghartha, au level 4, dans la Plaine de la désopilation, désertée par le vrai monsieur Rigolade (au level 0). Il comprend aussi que ses invocations ont bien marché, trop bien marché - mais pas à destination du bon endroit ! Il le comprend quand il voit autour de lui : Jenpérar, Ouzy Mour, Adrien Clemenceau, Trapatoni (qui croyait arriver dans le Péloponnèse avec Jardiland), l'Avioque (dont on comprend alors qu'il est un Falsh Invocat, mixte de Clint Eastwod et de l'Avioque).- Et ben, Rigolade, s'étonne Ouzy, qu'est-tu fous ? Qu'est-ce qu'on fait ici ? Tu nous as pas emmené ici juste pour raconter une blague ?(Salope de Nina, pense Calaque.) - Cette histoire du bout du gland tout dur est en effet la clef du mystère, reprit le faux Falsh Invocat Calaque à l'adresse de ses (faux) amis vrais Falshs Invocats Jenpérar-Kant, Ouzy Mour-Bleuh, l'Avioque-Eastwood, Adrien Clemenceau (qui, il ne faut pas l'oublier, fut pénétré par Kssa, dont l'origine fictionnelle est désormais établie), Trapatoni (mixé avec le frère d'Horace Zéppé-Paintdieu) - de Jardiland on ne sait pas quel est le pédigrée - il n'est pas exclu qu'il soit un Gguth Invocat infiltré chez les Falshs. Laissez-moi vous expliquer pourquoi nous nous retrouvons en Aghartha : Nina, princesse de la Lux, que je croyais notre alliée, m'a joué un tour pendable - elle a substitué au manuscrit que nous cherchons à fin de destruction pour pouvoir rester parmi les humains UN AUTRE MANUSCRIT aux effets délétères. Nous devons donc nous replier sur la deuxième option : retrouver les 4 vers (cf. Les quatre cavaliers) afin de les détruire - je désespère de les convaincre de nous donner le dénumérisateur jaune. L'Avioque, tu as bien récupéré le cryptogramme mauve, dans la tombe d'HZP - et Brückner t'as bien filé le dénumérisateur noir ? Et toi, Adrien, tu as avec toi le Crytogramme tétanisant rouge que Simon possédait ? On a déjà les 3/4 du problème en main. Reste à trouver les vers - qui bossent pour les Gguts Invocats. Et ensuite à sortir de l'Agghartha. Trapatoni, nous ferez-vous l'honneur de baisser votre pantalon, afin que nous examinions : votre cul contient en effet une carte anale très précieuse qui permet de localiser les déplacements des vers. Si nous avons tous les cinq (là, Calaque bluffe - c'est le vrai Rigolade qui pourrait dire ça), vous, l'Avioque, Jenpérar, Ouzy et moi, le bout du gland tout dur, c'est parce que nous sommes reliés (comme le ver de la farce) et sommes seuls à même de lire dans votre Grund intime. Procédez, s'il vous plaît.Alors Ange-Pascal Trapatoni descend aux chevilles son jean Levis ; se penche ; écarte enfin ses fesses avec ses mains rugueuses - offrant une splendeur fluorescente, longitudes lattitudes dans son ourlé. Il regardait sa femme dormir - lui il n'y arrivait plus trop. Evidemment, lire des livres aussi étranges que ces Mémoires de Jean Calaque - tiens, une espèce d'anagramme de Lacan, il ne s'en était pas rendu compte (il y avait d'ailleurs des graphes très lacaniens dans les dernières pages qu'il avait lues) - n'arrangeait pas les choses. En même temps, c'est délicat : vaut-il mieux chercher à occuper ces nuits par des problèmes excitants - ce genre de bouquins, de la géométrie, le sanskrit - ou les vider de tout intérêt, en espérant s'abandonner au sommeil par ennui ? A tout prendre, il préférait ces machines infinies, ces casse-têtes plutôt que le silence ouaté. Il regardait sa femme dormir - elle toujours tranquille, au-delà des inquiétudes (sauf pour des détails). Insomnie. Insomnie. Cela faisait 5 ans maintenant qu'il ne dormait plus - enfin : plus ! plutôt : fort mal, sans jamais récupérer. 5 ans. Depuis qu'il aimait Elisabeth qui ne l'aimait pas, lui. Son mariage allait bien pourtant - depuis 30 ans (souvenir un peu agacé des festivités pour le grand anniversaire de mariage) -, c'était son tempérament, c'était celui de Nathalie, c'était comme ça (tout allait toujours bien même quand rien n'allait). Le mariage allait bien, mais ce n'était pas le problème. Il avait vu Elisabeth, il l'avait aimé - d'emblée, avec une manière de férocité qu'il n'attendait plus. Il savait bien le ridicule du tableau (que ne savait-il pas, Stéfanon, si savant si vieux ?) : cet universitaire aux cheveux blancs, avec un peu de ventre, avec cette petite rousse - dans la rue : le tonton et sa petite nièce, aurait-on pensé. Insomnie. Elisabeth. Elisabeth.Ce n'est pas cette nuit que Stéfanon va dormir - il est 23h47, c'est l'été demain - le premier été de 2003. Son dernier été (mais personne ne le sait sinon lui). Le sommeil avait donc enfin atteint Stéfanon - un sommeil peu reposant, agité de cauchemars diaboliques et tétanisants. Il était dévoré par ses lectures délirantes, ces livres imbittables truffés de schémas curieux, de réalification, de dédissociation à redissocier, de mutassawufisation, bref, de toute une série de motifs qui auraient découragé plus d'un lecteur. Ces jeux sur le réél et la fiction, qui faisaient le prix et la difficulté des Mémoires de Jean Calaque, entrainaient - il en était victime depuis quelques minutes (dans son entourdissement morphéen) - un vertige persistant, qui conduisait à voir surgir au coin de la rue tel ou tel des personnages. "Le livre n'est pas d'un style homogène, l'avait prévenu Elisabeth en lui offrant, mais c'est tellement bizarre que vous deviendrez "accro" très vite, c'est comme une drogue." Au début il était un peu sceptique - à lui, on ne la fait pas !, et puis, en le découvrant, il comprit sa puissance. Au sein même de son rêve, il réussit à surmonter ces phantasmes, ces visions apocalyptiques de hordes de personnages de fictions (ça s'appelait des Invocats - des Infruits, en somme, comme le hameau juste avant les Estables quand on vient de Fay - dans les Mémoires) débordant le réel, son lit, sa couverture en mohair. Ces personnages débarquant - c'était farce ! Il se souvenait du moment où, sortant de l'agghartha (cette espèce de ventre, vraiment quelle idée !), les aventuriers se retrouvaient dans la cuisine de Victor Brauner, tout petits, à côté d'un trognon de pomme. Son esprit mélangeait grossièrement la première et la deuxième partie du bouquin. Et puis, de toute façon, matériellement, non, non, se dit-il, ça n'est pas possible : j'ai vu des piles d'exemplaires du bouquin chez les libraires : si les personnages devaient sortir, ça se saurait - et puis, ça ferait comme les rongeurs en cage qui en peu de temps deviennent une théorie, vu le nombre d'exemplaires circulant le monde serait déjà couvert de personnages des Mémoires, tous clones du paradigme-livre. Non, non, ça n'est pas raisonnable. Rendormons-nous. Pensons à Elisabeth, ce sera plus doux.Elisabeth, dans son lit, décidée à relire pour la troisième fois - elle ADORAIT ce livre - les Mémoires de Calaque ne constatait aucun phénomène étrange de son côté. Par la fenêtre, elle entend le ronronnement de la Méditerranée. Vraiment, cette villa que lui avait prêtée sa tatie, au bout du Cap Ferrat, c'était une aubaine - elle était gigantesque. En plus, elle ne revient que fin août - je vais pouvoir en profiter. Tiens, le téléphone rouge sonne. Qui ça peut être à cette heure ?Bizarre, on a raccroché. Bon, aucune importance. Cet après-midi, Elisabeth avait prévu de se détendre un peu sur une petite plage du sud de la presqu'île. Elle avait prévu de se remettre d'arrache-pied à son DEA dès ce soir - mais avant : repos, farniente, etc. Le sujet était complexe : La généalogie du réel chez Jacques Lacan - bizarre de suggérer ça, pour ce vieux marxo de Renouvette, mais bon, il est chou. J'aime bien les vieux, de toute façon. Donc, ce soir : boulot boulot. En attendant, sur la plage, elle avait prévu de reprendre sa troisième lecture des Mémoires de Calaque - c'était truffé de schémas d'inspiration lacanienne, et puis ces cosmogonies - on dirait le Timée revu par un psychanalyste heideggerien. Je crois que je vais en faire mon miel pour la conclusion du mémoire. Elle s'installe, déplie sa curieuse serviette de bain à l'effigie des X-Men un peu usée - on ne voit plus les griffes de Serval et on devine à peine la chevelure de Phénix (rousse comme moi !). Elle se met en maillot de bain. Elle ouvre le livre. Elle s'est arrêtée hier soir juste avant la page 348 : N'arrivant à se servir ni des textos ni du double-appel, Stéfanon Renouvette ne doit d'avoir acquis un portable aussi dispendieux et sur-optionné qu'à l'insistant décolleté de la vendeuse barely legal du stand de téléphonie mobile de son agence France Telecom. Il ne sait donc pas, quand il vient faire passer ses colles d'agrég', dans la petite salle jouxtant la bibliothèque Léon Robin, en jury avec son collègue Cyrille Michon, cet après-midi du 22 juin à 14h00, qu'une nouvelle d'importance est contenue dans la mémoire de sa petite bête qui vibre et sonne (c'était Elisabeth - la nouvelle d'importance, pas la bête - qui l'appelait au secours avant d'être camisolée chimiquement par les internes de l'hopital psychatrique de Monaco).Sur le chemin de la Sorbonne, Stéfanon s'était étonné, devant le kiosque à journaux, en remarquant que Nicole Kidman faisait la une, pour la deuxième fois en un mois, du supplément-télé d'Esprit, à penser que cette femme, la plus belle du monde assurément, put être abandonnée par l'endivesque Tom Cruise au bénéfice de ce petit moustachu - Penelope Cruz. Quelque chose d'irréductible dans les goûts en matière de femme le touchait ici avec une violence non-feinte - presque une indignation.Il écoutait avec une joie sans mélange un agrégatif admissible expliquer un passage vicieux du De veritate du vieil Anselme (ça le changeait du Capital). Mais il pensait déjà à sa séance de cinéma de l'après-midi - il allait voir Va et Vient de Joao Cesar Monteiro, opus posthume sorti depuis quelques jours au Studio des Ursulines. En effet, à plusieurs milliers de kilomètres de Monaco, dans un cadre évoquant à la fois Le fleuve de Renoir et Le tigre du Bengale de Fritz Lang, David Lynch tournait la partie de son adaptation du roman correspondant aux 10 dernières pages (pp. 361-371) des Mémoires de Jean Calaque - ce fameux passage, souvent mal compris, interprété comme un trip psychédélique, où les héros, emmenés par Calaque (joué par le journaliste Bernard Philippe-Janon dont ce sont les premiers pas devant la caméra) et Moussaillon Red (Nicole Kidman), cherchent à retrouver Mathilde (interprétée par Marthe Villalonga) dans une jungle indienne née d'un exemplaire de Totem et Tabou qui jouxtait le livre dans le livre dans le livre, etc. David Lynch avait conscience que cette affaire de personnages minuscules sortant d'un bouquin et courant sur la moquette ferait penser à la scène finale de Mulholland Drive et lui vaudrait soupçon d'assèchement de son inspiration - mais il aimait persister diaboliquement (après tout, Lost Highway et Mulholland Drive comprenaient déjà un certain nomble d'éléments en commun : les deux filles qui n'en sont peut-être qu'une, la construction en bande de Moebius...pourtant ni Frédéric Bonnaud ni Olivier Séguret ne s'étaient plaint). Non, il ne s'inquiétait pas pour ça. Son problème c'était plutôt que Kyle MacLachlan soit crédible en OM-Bleuh (il avait essayé d'attraper un bon accent stéphanois, mais ça n'était pas encore gagné, il "forçait" encore un peu sur les fouillâhs qui sonnaient dans sa bouche un peu comme des Fu Ya wongkarwaïens). A l'issue de la colle en Sorbonne, Renouvette et Michon allèrent boire un coup au Sorbon.- Vous voyez, Cyrille, cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu un candidat aussi remarquable.- Il est particulièrement brillant. Je crois qu'il sera reçu dans les 10 premiers.- Bidimba, c'est ça ?- Sidimba. Roger-Patrice Sidimba. Le meilleur élément du Lycée français de Dakar. Il a fait sa Khâgne à Louis-le-Grand. Reçu en Kharré à Ulm. Vice-cacique. Il a fait un mémoire de maîtrise remarquable sur Marsilio Ficino. Un type exceptionnel. Un de nos meilleurs éléments. Courtine et Marion ne jurent que par lui.- Et sinon, le latin à l'agrèg, ça va. Les candidats sont bons, non ?- Oui. Personne ne le prend par hasard. C'est ce que disent les collègues du jury. Sauf exceptions, l'anglais seul semble réunir désormais tous ceux qui ne connaissent aucune langue étrangère : la philosophie rejoint ainsi le monde contemporain - on ne peut que le déplorer pour la langue philosophique anglaise, tout en se rappelant que cette affligeante dégradation est après tout arrivée au latin il y a quelques siècles...A l'issue de sa fructueuse conversation avec son jeune collègue, et non sans lui avoir recommander la lecture des Mémoires de Jean Calaque, Stéfanon Renouvette fit un tour dans son bureau pour relever son courrier. Il y avait une grosse enveloppe de sa petite protégée, postée deux jours auparavant depuis Villefranche-sur-Mer. C'était un argumentaire précis et une biblio très fournie - elle allait finir cet été sans problème son DEA. Mais, au milieu de ces pages, la jeune fille avait laissé une photographie (heureusement qu'il n'avait pas ouvert son courrier devant Michon !) :Elle l'aimait donc en retour - c'était formidable. Il alluma immédiatement son portable pour la joindre, tout rougissant. c'est alors qu'il découvre le texto :A L'AIDE ON CHERCHE A ME FAIRE TAIRE A L'AIDE HOPITAL PSY MONACOIl avait déjà remarqué les tendances psychotiques d'Elisabeth. Le temps de passer un coup de fil à deux ou trois amis, il obtînt le téléphone du PU-PH en psychatrie du CHU de Nice qui gérait l'hôpital de Monaco. Il lui confirma ce qu'il craignait : Elisabeth traversait une grave crise paranoïaque avec hallucinations et bouffées d'érotomanie. Il n'osa l'informer du courrier qu'il venait de recevoir, préférant croire qu'il signifiait quelque chose de plus qu'une névrose. Nathalie Renouvette, rentrant chez elle vers 19h, s'étonne de ne pas voir son mari dans son bureau. Elle s'inquiète un peu. Joignant chez elle la secrétaire de l'UFR de Philosophie de Paris IV, elle apprend que Stéfanon est bien venu cet après-midi, qu'il a fait passer un oral à un étudiant, en compagnie de Cyrille Michon, qu'il a ensuite relevé son courrier - ce qui l'avait mis dans un grand émoi, bizarrement. Sinon, rien d'anormal.Nathalie s'inquiétait tout de même un peu - quoique pas malheureuse d'être seule pour une fois. Le répondeur téléphonique indiquait un message. C'était Stéfanon :- Chéri, je t'appelle de Roissy. C'est une catastrophe. Excuse-moi. J'avais oublié ce colloque à Nice sur les Figures contemporaines du marxisme. Je préside la séance demain matin. Je reste trois jours là-bas. Tu peux me joindre sur mon portable. Je suis vraiment désolé. Il y a du lapin à la moutarde dans le frigo. je t'embrasse.Nathalie était ravie - elle fit réchauffer le lapin, bu avec un petit verre de Chablis Premier Cru Les Butteaux de chez Raveneau. Puis, installée confortablement dans le fauteuil-club un peu usé du salon (qu'elle avait trouvé chez un brocanteur pour une broutille), elle reprit sa lecture des Mémoires de Jean Calaque - il lui restait 9 pages. Cette affaire de promenade en Inde avec un singe lui semblait un peu curieuse. Mais bon, ça ne durait pas longtemps. Les héros parvenaient enfin, suite à des péripéties plus résumées qu'explicitées, grâce à la collaboration inespérée de Nina princesse de la Lux et du héros éponyme Jean Calaque, maître de la langue, à combler la faille de la Fiction et du Réel. Elle aimait bien quand ça se terminait bien dans les romans. Elle parvint enfin à la dernière page.p371Heureux du travail accompli, en dépit du tour pendable joué aux Falshs Invocats (leur faire croire qu'il était le mixe de Rigolade et de lui-même), et malgré la mort atroce de son ex-femme Mathilde et de la valeureuse Moussaillon Red, Jean Calaque flanaît dans les rues de Paris. Il avait rendez-vous avec Simon et Isabelle au crématorium du Père Lachaise. Il était convenu que le manuscrit des Aventures de Victor Brauner serait brûlé avec la dépouille de Mathilde.Une heure après s'en était fini de cette Faille - et du corps de Mathilde. On entendit bien quelques cris provenant du milieu des flammes - prix à payer ? Nos trois amis, content d'ainsi tourner la page, convinrent de ne plus jamais se revoir. Adieux émouvants.C'était fini. Voilà, c'est fini. It was a very good year, chantait Sinatra.Dans une contre-allée, observant à la dérobée, devant la tombe de Jules Romains, Agathe, Kssa et le Pankrail Lamish 49, un peu émus, s'engagèrent à ne plus jouer au "jeu des dieux" dit aussi "jeu des hommes."Un peu décevant comme fin, se dit Nathalie. Bon, je vais me faire une petite verveine verte, moi.
Friday
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1 Comments:
j'adore stéphanie renouvin !
un super blog sur elle :
http://renou22.canalblog.com/
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